Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
Sept jours marqués par d’innombrable recherches et sauvetages et un manque quasi total de coordination de la part des autorités maritimes
Le 24 août, une grande embarcation en bois transportant près de 500 personnes est parvenue de manière autonome au large de Catanzaro Lido, en Calabre, tandis que 645 autres personnes étaient secourues à bord de deux embarcations en détresse par les garde-côtes italiens. Les rescapé.e.s ont été débarqué.e.s dans deux ports différents : 395 personnes ont été amenées à Pozzallo, et les 250 autres ont débarqué à Porto Empedocle. Le même jour, le Geo Barents a débarqué 106 rescapé.e.s dans le port de Tarente, en Italie, après avoir reçu l’instruction des autorités maritimes italiennes de les secourir d’une embarcation en détresse le 21 août. De son côté, l’Ocean Viking repérait quatre embarcations vides dans les eaux internationales au large des côtes libyennes, dont une retrouvée sans moteur, près d’une position de détresse signalée par le réseau civil Alarm Phone.
Entre le 25 et le 27 août, l’Ocean Viking a secouru 466 personnes à bord de dix embarcations en détresse. Deux embarcations ont été retrouvées dans les eaux internationales au large des côtes libyennes, les huit autres dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Quatre de ces embarcations de fortune surchargées ont été repérées à l’aide de jumelles depuis le pont de l’Ocean Viking. Les alertes de détresse des six autres embarcations ont été relayées par des ONG telles que le réseau Alarm Phone, les avions des ONG Pilotes Volontaires et Sea-Watch, ainsi que les voiliers des ONG Open Arms et Resqship. Aucun des sauvetages n’a été coordonné par les autorités maritimes. Parmi les rescapé.e.s figuraient plusieurs femmes enceintes près du terme et 81 mineur.e.s, dont la plupart n’étaient pas accompagné.e.s. En raison d’une longue période de blocage avant la désignation d’un port sûr pour débarquer, trois femmes enceintes ont connu une évacuation sanitaire d’urgence avec leurs proches au cours de deux opérations différentes par les garde-côtes italiens, l’une avec un patrouilleur et la seconde via un hélicoptère.
Dans le même temps, entre le 26 et le 27 août, les voiliers Astral et Nadir ont secouru et assisté quatre embarcations en détresse. Le 26 août, le Nadir a secouru 59 personnes à bord d’un canot pneumatique en détresse tandis que l’Astral portait assistance à une embarcation en bois transportant 20 personnes, dont une femme et un bébé, et à une autre embarcation transportant 70 personnes qui avaient dérivé pendant 20 heures, retrouvée à 25 milles marins de Lampedusa. Le lendemain, l’Astral a porté assistance à une petite barque en bois transportant 13 personnes déshydratées, tandis que le Nadir a dû évacuer médicalement en urgence 8 rescapé.e.s., qui ont été transbordé.e.s sur un navire des garde-côtes italiens. Plus tard dans la journée, un port sûr était assigné au Nadir pour débarquer les rescapé.e.s restant à bord. Leur débarquement a eu lieu pendant la nuit à Lampedusa.
Entre-temps, 1 000 personnes ont survécu à la traversée maritime sans trouver de soutien et sont arrivées à Lampedusa. En addition à l’arrivée de plus de 30 embarcations, deux cents personnes à bord de onze embarcations différentes ont débarqué sur l’île sicilienne en moins d’une heure, selon un média local italien.
Entre le 27 et le 30 août, le Geo Barents affrété par MSF (Médecins sans frontières) a secouru 267 personnes à bord de sept embarcations en détresse. Six d’entre elles ont été secourues en 70 heures environ. La dernière transportait 32 personnes qui avaient quitté la Libye trois jours auparavant. Le 6 septembre, le port italien de Tarente été assigné aux rescapé.e.s comme lieu sûr de débarquement.
Le 27 août, les 101 personnes secourues par Open Arms Uno il y a plus d’une semaine ont finalement débarqué à Messine, en Sicile.
Le 2 septembre, le Sea-Eye 4 a secouru 76 personnes sur un bateau à double pont en bois précédemment repéré et assisté par le Nadir. Sans solution pour leur débarquement, l’un des rescapé.e.s a dû être évacué médicalement par hélicoptère le 6 septembre. Entre-temps, l’équipage du Sea-Eye partait à la recherche de plusieurs cas de détresse signalés.
Le 3 septembre, le Nadir a porté assistance à une grande embarcation en bois avec environ 300 personnes dans les eaux internationales, sous la responsabilité des autorités maritimes italiennes. Les personnes rescapées ont ensuite été secourues par les garde-côtes italiens.
Dans la nuit du 5 au 6 septembre, le Rise Above a secouru 54 personnes à bord d’une embarcation en bois en détresse. Les rescapé.e.s ont été transféré.e.s le lendemain à bord du Sea-Eye 4.
Au moins deux naufrages signalés
Une embarcation a chaviré au large des côtes libyennes, provoquant la disparition de 21 personnes, selon six rescapé.e.s du naufrage intercepté.e.s par les autorités libyennes. Deux corps ont été retrouvés et 19 autres personnes sont portées disparues et présumées mortes. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), cette tragédie s’est produite le 27 août.
Deux jours plus tard, les recherches d’une épave et des corps de victimes possibles d’un naufrage ont commencé au large de la côte sud de la Sardaigne. La tragédie aurait eu lieu les jours précédents. La récupération de deux cadavres au large de l’Isola Rossa à Capo Teulada a confirmé l’hypothèse d’un naufrage. Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Cagliari. Au 31 août, cinq corps de personnes décédées avaient été retrouvés par les autorités italiennes. Tous ont été transportés au port canal de Cagliari en attendant d’être transférés au cimetière de San Michele.
Depuis le début de l’année 2022, plus de 1000 personnes sont mortes ou ont disparu en Méditerranée centrale.
Plus de 15 000 victimes : multiplication des retours forcés en Libye
Entre le 25 août et le 3 septembre, 2 397 personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye selon l’OIM : 1 216 personnes interceptées entre le 21 et le 27 août et 919 autres entre le 28 août et le 3 septembre 2022. Depuis le début de l’année, le cap de 15 000 personnes a été franchi : 15 076 personnes au total ont été renvoyées de force en Libye.
Les départs depuis les côtes tunisiennes se sont également poursuivis ces dernières semaines et au cours de l’été. Plus de 2 000 mineurs tunisiens ont effectué la périlleuse traversée de la Méditerranée entre ce pays d’Afrique du Nord et l’Italie depuis le début de l’année, selon le groupe tunisien Forum pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Ils faisaient partie des 10 139 Tunisien.ne.s qui ont émigré vers l’Italie par mer depuis le début de 2022, comme l’indique un communiqué du groupe de défense des droits humains publié le 24 août. Le lendemain, le porte-parole de la Garde nationale tunisienne Houssemeddine Jebabli déclarait que les autorités tunisiennes avaient bloqué « 1 509 tentatives de départs illégaux vers l’Europe » par la mer entre le début de l’année et le 23 août, pour un total de 16 000 personnes (7 000 Tunisien.ne.s et 8 700 étrangers).
Life support : un nouveau navire civil
Le 3 septembre, l’ONG italienne Emergency a annoncé l’acquisition d’un navire, baptisé Life support, qui sera consacré aux opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale. Ce bateau de 168 pieds (51 mètres) de long et 39 pieds (12 mètres) de large est un vaisseau de haute mer, équipé pour les opérations de sauvetage. Sa première mission est prévue pour l’automne 2022.