Afin que leur histoire ne soit pas oubliée, nous publions les témoignages, traduits de l’anglais, de celles et de ceux qui ont tenté de traverser la Méditerranée centrale. Nous relatons aujourd’hui le récit, recueilli il y a plusieurs années par les équipes de SOS MEDITERRANEE, d’Ahmed, un jeune soudanais vendu aux enchères et contraint à l’exil.
« J’ai été battu avec une barre en fer, puis avec du caoutchouc. »
Ahmed*, rescapé originaire du Soudan – Témoignage recueilli sur l’Aquarius le 15.06.2018
« On m’a battu avec une barre en fer puis avec du caoutchouc, pendant que les hommes filmaient et se moquaient de moi. Ils filmaient pour forcer ma famille restée au Soudan à payer, pour me libérer. Ils continuaient d’envoyer des vidéos et des images où ils me battaient quotidiennement, exigeant de plus en plus d’argent. Tout cela s’est passé dans une maison, à Sabha, il y a presque un an. J’ai commencé mon voyage à Al-Qatron, en Libye. J’y suis allé pour travailler, mais quand je suis arrivé, j’ai été vendu aux enchères par des hommes à la peau claire. J’ai été vendu pour 1 000 dinars libyens.
L’homme qui m’a acheté a continué de me battre, tous les jours. Il me nourrissait à peine, seulement de l’eau salée et des crackers qu’il me jetait et que je mangeais sur le sol, comme un animal. Je voulais seulement de la nourriture. Pour tout ce que je demandais, on me frappait. La prison aurait été mieux que la maison de cet homme : c’était un trou, j’ai tellement souffert là-bas.
Une fois, j’ai vu un homme, un ami de mon propriétaire, il était ivre. Il est venu dans cette maison, il a emmené d’autres hommes noirs dans son camion et les a tués. Après cela, un ami et moi avons dû ramasser les corps et les enterrer. J’ai dû rester avec cet homme jusqu’à ce que je puisse payer pour ma liberté. J’ai finalement réussi à rejoindre la mer, après six mois passés avec cet horrible individu. J’ai compris le risque de prendre cette route, mais je ne pensais pas qu’il faudrait trois ou quatre jours pour arriver en Italie. On nous a dit qu’il faudrait quelques heures pour être libre. Je ne pensais pas du tout que la traversée serait si longue. J’imaginais qu’elle serait rapide, qu’on serait monté sur le bateau et qu’on aurait navigué pendant quelques heures avant de voir la terre ferme. »
*Afin de préserver son identité, le nom et la photo de à la personne qui livre son témoignage ont été modifiés
Interview et photo : Kenny Karpov