Un portrait

Une histoire

Mariam*

Libye

Pays d'origine

19/09/2021

Date de sauvetage

Mariam* et l’une de ses filles à bord de l’Ocean Viking le 25 septembre, attendant l’autorisation de débarquer dans un lieu sûr.
Crédits : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE
Le 19 septembre, les équipes à bord de l’Ocean Viking repèrent une petite embarcation en bois aux jumelles. Auparavant, elles avaient effectué un premier sauvetage de 25 personnes et assisté à deux interceptions par les garde-côtes libyens. A bord de l’embarcation en bois, 33 personnes en détresse, dont huit femmes et seize enfants. Parmi elles, Mariam*, une Libyenne mère de quatre enfants. Elle a choisi l’exil avec sa famille dans l’espoir d’échapper à la violence et au chaos qui règnent dans son pays depuis 2010.
Mariam, sa fille de 6 ans et son fils de 8 ans à bord de la fragile embarcation en bois en détresse. Sa famille a été secourue par les équipes de SOS MEDITERRANEE.
Crédits : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE

« Il n’y a aucune sécurité et aucun avenir en Libye. »

Mariam décide de témoigner après plusieurs jours passés à bord de l’Ocean Viking, en attendant l’autorisation de débarquer dans un lieu sûr. Elle explique pourquoi elle a fui son pays par la mer avec ses quatre enfants et son mari, en ce mois de septembre 2021 : « Il n’y a aucune sécurité et aucun avenir en Libye », débute-t-elle. « Nous avons dû partir car nous devions assurer l’avenir de nos enfants, ce qui est impossible en Libye à cause de la violence et de l’insécurité. »

Pour Mariam,  l’insécurité en Libye est due au fait que le pays est «  dirigé par des milices ». Originaire de Zouara, une ville côtière, elle explique y avoir manifesté contre la « gouvernance des milices » : « ma ville est très petite et complètement entourée par les milices. Dès que je sortais de la ville, je n’étais plus en sécurité. Tout est géré par les milices. »

Depuis 2010, jusqu’à son départ le 19 septembre 2021, Mariam a senti un danger croissant peser au quotidien sur sa famille. « Quand je prenais une voiture pour aller à Tripoli par exemple, je devais garder à l’esprit qu’à tout moment, quelqu’un pouvait m’arrêter et me kidnapper, ou me faire du mal sans aucune raison ». Elle explique qu’il y a tellement de groupes et de milices actives qu’il est presque impossible d’identifier son agresseur. Impossible même de comprendre pourquoi les crimes et les exactions sont commis. « La violence est tellement facile et instantanée. Il n’y a pas de contrôle en Libye. Le pouvoir est entre les mains du plus fort, de celui qui a le plus d’armes. »

Mariam, sa famille et 28 autres personnes sont secourues par les équipes de SOS MEDITERRANEE le 18 septembre 2021.
Crédits : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE.

Nous avons vu de nombreux cadavres échoués sur nos côtes.

En plus des milices, Mariam redoute les activités de trafic d’êtres humains qui se déroulent tout autour de sa ville. Zouara est l’un des principaux ports d’où les passeurs et les trafiquants d’êtres humains envoient des embarcations surpeuplées vers un probable naufrage. Une réalité qu’elle connaît trop bien. « Nous savons que de nombreuses personnes à Zouara travaillent dans des réseaux de passeurs. Nous avons manifesté plusieurs fois contre cela, car nous avons vu de nombreux cadavres échoués sur nos côtes », murmure-t-elle en regardant ses mains.

Les habitant.e.s de Zouara ont même créé un groupe nommé le « groupe masqué », raconte Mariam : un mouvement civil pour dénoncer les passeurs et les faire poursuivre et emprisonner. Mais le mouvement s’est essoufflé : « Ce groupe était assez fort au début et a pu arrêter une partie des activités des passeurs, mais il n’a pas reçu de soutien du gouvernement et les citoyen.ne.s n’avaient pas les moyens de continuer. Aujourd’hui, le groupe existe toujours mais n’est plus aussi fort qu’avant », regrette-t-elle.

« Je ne peux pas imaginer que mes enfants deviennent des miliciens ou des passeurs. »

Mariam et trois de ses enfants attendant sur le pont de l’Ocean Viking, 25 septembre 2021.
Crédits : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE.

Mariam et son mari ont pris la décision de fuir par la mer pour assurer l’avenir de leurs quatre enfants âgé.e.s de 6 à 12 ans : « Le seul moyen de sauver ma famille et mes enfants était de prendre la mer » affirme-t-elle. « Je ne peux pas imaginer que mes enfants deviennent des miliciens ou des passeurs. Je ne peux pas laisser cela se produire ». Mariam était enseignante et son mari occupait un poste de direction dans la fonction publique. « Nous étions bien lotis. L’argent n’était pas du tout un problème », explique-t-elle. « Mais je veux que mes enfants soient bien éduqués, qu’ils se comportent bien, qu’ils soient empathiques et qu’ils se construisent une vie qui vaille la peine d’être vécue. Je ne veux pas qu’ils fassent des métiers amoraux juste pour avoir de l’argent. »

Six jours après le sauvetage de Mariam et de sa famille par l’Ocean Viking, les équipes de SOS MEDITERRANEE ont assisté une autre embarcation en bois en détresse, sous ses yeux. Ils se sont remplis de larmes, même si l’opération elle-même s’est bien terminée, les personnes en détresse ayant été secourues et débarquées dans un lieu sûr par les garde-côtes italien.ne.s. « Je ne peux pas expliquer la sensation que j’ai ressentie lorsque j’ai vu vos équipes effectuer l’opération », confie-t-elle. « Je voulais empêcher cette situation de se produire. J’ai revu les visages des cadavres qui gisaient sur la plage. Je me suis sentie impuissante. Je veux aider, mais je ne sais pas comment. »

*Pour protéger l’identité de la rescapée, le prénom a été modifié.

Photos : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE

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