Un portrait

Une histoire

Magdi Hagar

Soudan

Pays d'origine

23 ANS

Âge

08/06/2016

Date de sauvetage

Il y a de ces rencontres fortuites qui n’arrivent pas tout à fait par hasard. C’était peu avant le confinement. Ce jour-là, Bertrand, bénévole à SOS MEDITERRANEE, regagne Marseille depuis son village de l’Aude, proche de Narbonne. Magdi, jeune Soudanais de 23 ans qui est venu passer le week-end à Narbonne chez des amis, profite d’une place dans sa voiture pour rejoindre Marseille où il est domicilié.

Pendant le trajet, Magdi se montre peu loquace. Il faut dire qu’il parle encore mal le français, et que c’est toujours délicat de poser certaines questions. Mais à l’arrivée, ils échangent les numéros de téléphone et promettent de se revoir…

Les semaines passent. Puis Bertrand, à nouveau de passage à Narbonne, entend parler d’un événement organisé par le collectif Dessins sans papiers, où un réfugié présente un livre un peu spécial. Arrivé avec sa femme quelques minutes en retard, Bertrand y retrouve Magdi, debout sur l’estrade.  L’auteur du « Livre 1 Darfour », c’est lui. Faute de pouvoir l’écrire en français, il a raconté son histoire en dessins : son départ à 15 ans de son village, incendié, la recherche de sa famille, les journées entières à marcher, les bombardements, les camps de réfugiés au Darfour, la fuite, l’errance des années durant, son calvaire en Libye, la traversée de la Méditerranée et enfin son arrivée en Europe…

Derrière lui, il expose un superbe dessin de bateau, crayonné sur un paper-board, où l’on distingue sans mal la silhouette caractéristique de l’Aquarius…

« J’avais peur, et je suis parti. »

Voici quelques extraits de l’histoire de Magdi Hagar, relatée dans le Livre 1 Darfour (Ed. Dessins sans papiers).

« Le 24 octobre 2008, j’étais avec mon troupeau. C’était vers le milieu de l’après-midi. J’ai entendu ces maudits avions qui s’approchaient, et les bombes ont commencé à tomber. J’ai vu des flammes monter au-dessus de nos maisons.

Je ne sais pas combien de personnes ont été tuées ce jour-là. Il n’y avait plus aucun bruit. Ma famille avait disparu. Je les ai cherchés mais on ne voyait pas bien dans l’obscurité. J’avais peur, et je suis parti.

(…)

Magdi n’a jamais appris à dessiner, ses dessins sont naïfs, ce qui leur confère une force étonnante.

Sur la route j’ai croisé le camion d’un Libyen qui venait acheter des moutons au Soudan. Je lui ai dit que je n’avais pas d’argent, il a accepté de me cacher dans sa remorque avec les animaux. Le voyage a duré neuf jours.  Le désert est un endroit très dangereux.  Des fois, des camions tombent en panne. On voit les cadavres des gens morts sur le sable. J’ai dessiné une jeep abandonnée. Les gens qui étaient à bord étaient tous morts de soif.

(…)

« Quand j’ai compris que c’était des bandits, il était trop tard. »

Un soir, le 20 avril 2016, je rentrais du travail quand je me suis fait interpeller par deux hommes qui portaient des uniformes militaires. Ils m’ont demandé mon passeport. Quand j’ai compris que c’était des bandits, il était trop tard. Ils m’ont attaché et emmené dans une sorte de prison à Sabratha. (…) On n’avait presque rien à manger, juste un morceau de pain par jour, de l’eau, parfois des pâtes. Quand un nouveau prisonnier arrivait, il était torturé pour obtenir le numéro de sa famille. Si la famille ne pouvait pas payer la rançon, ils nous frappaient. Certaines personnes disparaissaient.

(…)

Une chose était sûre, si je restais en Libye, ça allait recommencer.  Je n’avais pas d’autre choix que de quitter ce pays. (…) Le 6 juin 2016, on nous a prévenus que le jour du départ était arrivé. Nous étions une centaine de personnes sur le bateau. Il y avait des femmes et deux jeunes enfants, tous embarqués sur un petit zodiac en plastique. Nous sommes restés deux jours sur la mer avant d’être repérés par l’Aquarius, le bateau de SOS MEDITERRANEE. Certains n’ont pas pu attendre, ils ont plongé pour rejoindre les secours.

Nous avons eu beaucoup de chance. Je connais trois personnes qui ont tenté la traversée sur un de ces zodiacs ; leur bateau s’est renversé et ils sont morts noyés. C’est un grand malheur. Aujourd’hui on essaie d’empêcher les ONG de sauver les personnes en mer. Sans elles, beaucoup d’autres vont mourir. »

L’histoire de Magdi est celle de centaines, de milliers d’autres qui ont fui la guerre ou la misère. Il lui a fallu cinq années pour arriver en France. Là, des membres du collectif Dessins sans papiers l’ont invité à raconter son histoire et à en dessiner certaines des scènes, puis l’ont édité en 2018. Pour soutenir Magdi et commander le livre : dessinssanspapiers@gmail.com

« Là-haut, très haut pour échapper aux drones, passent des cigognes. »

Derniers témoignages

Ibrahima*

« Nous étions 85 personnes à partir de Libye, quatre femmes et un bébé. Après deux jours, notre moteur est tombé en panne. Ce n'était pas facile. J'ai vu tant de mes ami.e.s mourir. Certaines personnes devenaient folles. »

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Adam*

« Je veux appeler ma mère. Je sais que si elle entend ma voix, elle sera heureuse. »

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