Emotions fortes à bord de l’Aquarius ces jours-ci ! A chaque fois, l’émotion nous assaille quand nous secourons des personnes en détresse en Méditerranée : elle nous submerge quand nous croisons le regard soulagé et reconnaissant des rescapés enfin sûrs d’être sains et saufs sur notre navire de sauvetage ; on a peine à la contenir quand ils nous racontent leur histoire. Mais cette fois-ci, il s’agit d’une sorte d’émotion différente, et merveilleuse.
Un petit garçon est né le 12 septembre au matin, avec l’aide de la sage-femme de Médecins Sans Frontières, Jonquil, quelques heures seulement après le sauvetage de sa mère, Faith, débarquée d’une petite embarcation pneumatique bondée.
Il était exactement 7 heures du matin sur l’Aquarius, au beau milieu de la mer Méditerranée quand ce bébé en pleine santé a vu le jour. Il est né dans les eaux internationales de parents nigérians qui n’avaient pas encore choisi son nom. Ses parents, Otas et Faith, et ses frères aînés, Victory (7 ans) et Rollres (5ans), avaient été secourus d’une embarcation pneumatique 24 heures auparavant.
La joie emplit le cœur de tous à bord, pas seulement des parents et des deux frères du bébé, qui rayonnent de bonheur. Quant à lui, Newman Otas, il est en pleine forme et dort comme un bienheureux.
Quelques heures après ce premier moment d’émotion intense, nous transbordons des rescapés d’un navire de la marine italienne. Sauvés en même temps que nous secourions les passagers de deux bateaux pneumatiques, ils se trouvaient dans une zone différente de la côte libyenne, au nord-est de Tripoli.
L’Aquarius accueille 139 personnes – hommes, femmes et enfants – supplémentaires, originaires de 11 pays différents. En tout, nous avons maintenant 392 réfugiés à bord. Au cours de ce transfert, une femme accompagnée de ses deux jeunes fils fait montre d’une certaine nervosité. Nous avons l’impression qu’elle n’est pas tranquille. Elle espère, elle attend quelque chose.
Quelques minutes plus tard, tout s’éclaire à nos yeux : l’émotion prend le dessus sur tout le reste, et la femme s’élance vers l’entre-pont. Les larmes aux yeux, elle enlace et embrasse un homme qui vient de débarquer du navire italien. C’est son mari et le père de ses deux enfants. Ceux-ci sautent également sur le pont et se jettent dans les jambes de leur père.
« Nous avons été séparés sur cette plage quelque part en Libye. Je ne me souviens pas de tout. Il y a eu des coups de feu et on nous a jetés de force dans les bateaux pneumatiques. Mon mari s’est retrouvé dans un autre bateau que celui où l’on m’a embarquée avec mes deux enfants. Tout s’est passé si vite ! », explique la mère.
Après avoir subi dix heures terribles en mer sur un bateau pneumatique surchargé, avoir été secourue par SOS MEDITERRANEE, puis avoir passé une nuit à bord de l’Aquarius sans nouvelles de l’être aimé, la famille s’est vue réunie à bord de notre navire de sauvetage.
Ce lundi a ainsi été riche en émotions profondes, en heureux dénouements, en perspectives d’avenir ; riche aussi en rires, chants, prières et sourires sur tous ces visages si différents réunis ici, à bord de l’Aquarius – y compris, naturellement, ceux des équipes épuisées de SOS MEDITERRANEE et de Médecins Sans Frontières.
Par René Schulthoff
Crédits photos : Marco Panzetti