Sauvetage de nuit
26 juin 2016

Il est 22h au moment d’écrire ces lignes. Sur le pont de l’Aquarius, 653 personnes s’endorment. La nuit dernière, personne n’a dormi. 

Hier après-midi, nous avons reçu un appel de détresse pour un bateau en caoutchouc un peu à l’est du lieu de notre premier sauvetage. Nous avons demandé aux rescapés du premier sauvetage de faire un peu de place. Nous avons tout mis en place pour la distribution de kits d’accueil et de biscuits énergiques pour les futures personnes recueillies sur le navire.

Et si nous ne trouvions pas le bateau en détresse ? Tantôt le petit vaisseau paraissait sur le radar, tantôt il disparaissait. Nous avons continué à tourner en boucle à l’endroit de l’appel de détresse original. Le soleil a commencé à se coucher. 20h20, 20h40, 21h, 21h20… Il a commencé à faire nuit noire. Nous n’attendions que les instructions du MRCC pour suspendre les recherches et continuer le lendemain. Pour un bateau en détresse, deux nuits en mer, c’est très compliqué…

Les instructions ne sont pas venues. Le capitaine et le deuxième officier ont continué à cercler l’endroit. Les SAR se sont rassemblés sur le pont, tous ont scruté la mer noire à la loupe. Ce point de lumière qui apparaissait et disparaissait sur le radar nous remplissait d’espoir et d’inquiétude. 

« Je vois quelque chose… Ah non, c’est un reflet d’oiseau. »

« Je vois quelque chose… Mais je pense que ce sont les lumières de Tripoli. »

Puis soudainement : 

« Je vois quelque chose de blanc… C’est un bateau. Et il y a des gens debout qui nous font signe de la main. » 

À 23h30, aidés par les lumières du bateau et la demi-lune, les équipes sont partis en mer pour un sauvetage sans précédent. 122 adultes, assommés par la peur et la fatigue, et 4 enfants de moins de 6 ans, qui criaient, tapaient des mains et faisaient des sons d’oiseaux malgré ce qu’ils vennaient d’endurer. « Merci, merci, on est contents de vous voir, » disaient-ils en choeur. 

Et à nous de leur répondre : « bienvenue à bord », le coeur serré d’émotion en pensant à ce petit point de lumière. 

Par Ruby Pratka

Crédits Photos : Yann Merlin