Ce mardi 25 mai, six grands canots pneumatiques transportant 550 migrants ont été « secourus » par les garde-côtes libyens au large de Sabratha, à l’ouest de Tripoli. Ce n’est pas la première fois que les autorités libyennes parlent de sauvetage de migrants dans la limite des 12 miles des eaux territoriales du pays. Deux jours plus tôt, 850 réfugiés, embarqués dans des « Zodiacs » ont été arrêtés au large de Zaouira. En avril, ce sont 649 hommes, femmes et enfants, à bord de sept canots, qui ont été interceptés. A chaque fois, les autorités libyennes parlent de « sauvetage ». A chaque fois, le même communiqué claironne que « les migrants secourus ont été remis aux autorités maritimes avant d’être transférés dans des centres d’accueil et d’hébergement ». Braves garde-côtes libyens !
La réalité est bien différente.
D’abord, les vrais Zodiacs modernes des garde-côtes libyens ne sont pas des bateaux de sauvetage. Ils sont certes puissamment motorisés, sont armés d’une mitrailleuse, mais n’ont pas le capacité d’emport qui leur permettent d’accueillir la grosse centaine de passagers que contient un grand et fragile canot pneumatique utilisé par les passeurs. Ensuite, l’intervention est moins une action de sauvetage qu’une interception, suivie de l’arrestation des migrants.
Le 20 mars dernier, la brutalité de l’action a provoqué le chavirage d’un canot et la noyade de neuf des migrants à bord. Et deux jours plus tôt, un canot a pris feu pendant l’intervention et quatre naufragés sont morts carbonisés.
Enfin, l’expression « autorité maritime » ne veut plus dire grand-chose dans un pays divisé entre au moins deux gouvernements, l’un, à l’est, reconnu par la communauté internationale et l’autre, à Tripoli – précisément à l’endroit où se déroulent les « sauvetages » – soutenu par une coalition de milices notamment islamistes. Thomas, un Gambien recueilli à bord de l’Aquarius de SOS MEDITERRANEE a témoigné des résultats de son premier « sauvetage » par les garde-côtes. En fait de « centre d’accueil et d’hébergement », il a été jeté avec les autres en prison, battu et rançonné, et n’a pu s’en sortir qu’en payant une somme équivalente à 500 euros. Avant de repayer un passeur pour une deuxième tentative, terrorisé à l’idée… de se faire « sauver » une deuxième fois par les garde-côtes.
La Libye, pays sans loi et sans droit pour les migrants, pour l’essentiel des Africains noirs et parfois, -condition aggravante – chrétiens, ne sauve pas les réfugiés, elle les capture à nouveau, les maltraite, les exploite. Elle diffuse des communiqués humanitaires triomphants, histoire de montrer à la communauté internationale qu’elle n’a surtout pas besoin d’intervenir dans ses eaux territoriales, comme l’Europe menace de le faire avec l’opération Sophia. Et que Tripoli sait faire le ménage tout seul pour débarrasser la mer des migrants, cette population aussi gênante que rentable.
par Jean-Paul Mari. Retrouvez son site Grands Reporters.