L’Aquarius a quitté le port de Catane, en Sicile mercredi matin. Bien que les prévisions météo ne soient pas optimales, les équipes sont heureuses de prendre à nouveau le large.
Nous nous apprêtions à partir ce week-end, étant actuellement le seul bateau civil de sauvetage au large des côtes libyennes, mais une météo détestable nous en empêcha. Mardi matin, l’équipage et les différentes équipes à bord étaient fin prêtes, et voilà qu’un avis négatif du pilote chargé de guider l’Aquarius hors du port déjoua à nouveau nos plans. Les gardes côtes quant à eux, nous déconseillaient formellement de lever l’ancre. Ajouté à cela, les ferries arrivant à Catane mentionnaient des vagues pouvant atteindre 7 m, il a donc fallu nous résigner à passer une nuit supplémentaire à quai.
Nous avons profité de cette escale à Catane, particulièrement longue cette fois-ci, la tempête dictant sa loi, pour refaire des exercices, des briefings et procéder à quelques nouveaux aménagements à bord. Il y a beaucoup de nouveaux venus sur l’Aquarius, parmi les équipes de SOS MEDITERRANEE et de MSF, notre partenaire médical à bord.
La petite clinique ainsi que la salle d’examen et l’espace réservé aux femmes et aux enfants ont été réaménagés. L’exercice le plus intense consiste à bien comprendre le plan d’intervention médicale, en cas d’arrivée de nombreuses victimes. Ce plan est déclenché dès que plusieurs personnes requièrent des soins médicaux lors d’un sauvetage: plus concrètement, lorsqu’il y a des personnes à l’eau ou que plusieurs personnes sont blessées, malades ou inconscientes à bord des canots ou bateaux auxquels nous portons secours.
Nous avons instauré un système d’auxiliaires. Partant du fait que tout le monde à bord doit intervenir pendant un sauvetage, que l’on soit membre de l’équipe SAR de sauvetage, de l’équipe médicale, de l’équipage, ou que l’on soit chargé de communication, photographe ou même invité ou journaliste sur l’Aquarius, chacun doit comprendre les procédures à suivre dans une situation critique. C’est pourquoi des auxiliaires accompagneront les équipes médicales. Ils les assisteront, en cas d’intervention médicale sur le pont ou dans la clinique.
A présent, l’Aquarius fait cap vers la zone de sauvetage, au large des côtes libyennes. La mer est agitée, alors que nous venons à peine de quitter Catane. Nous sommes bien conscients que nous aurons le mal de mer car il nous faut 36 heures pour atteindre la zone de sauvetage, et nous venons tout juste de lever l’ancre. Malheureusement, les prévisions météo relatives à cette zone, située à 25 milles des côtes libyennes ne sont pas bonnes. Au programme : vents forts et grosses vagues.
Quoiqu’il en soit, nous poursuivons notre navigation car nous sommes le seul bateau civil à faire du sauvetage en Méditerranée pendant les mois d’hiver. Nous prévoyons d’arriver pendant la nuit de jeudi à vendredi. Si le temps le permet, nous resterons en alerte, poursuivrons les recherches, prêts à sauver des vies. Mais l’une de nos priorités absolues est aussi de garantir la sécurité de nos bénévoles à bord de l’Aquarius. Alors, si le temps se détériore, nous nous rendrons vers le port le plus proche. Ce qui signifie 7 à 14 heures de navigation supplémentaires, mais qui est plus rapide que de retourner à Catane, notre port d’attache. Nous songeons à présent à nous abriter à Lampedusa ou dans un port à Malte. Avec le mauvais temps, aucun canot ou bateau de bois ne peut quitter les côtes libyennes.
Noël approchant, nous avons fait quelques préparatifs à bord. Nous avons décoré le mess et avons même un sapin, pour être dans l’ambiance. Nous saurons bientôt s’il nous sera possible de fêter Noël.
Par René Schulthoff
Crédits photos : Kevin Mcelvaney