Après l’escale, une journée d’entraînement à bord de l’Aquarius
29 septembre 2016

La première journée en Méditerranée est toujours chargée à bord de l’Aquarius, une fois qu’on a quitté le port. C’est le jour consacré à l’entraînement : il y a de nombreuses tâches à effectuer pour rafraîchir les connaissances de toute l’équipe.

Une journée type commence par un premier briefing à 9h de l’équipe de Recherche et Sauvetage SAR de SOS MEDITERRANEE. Nous nous réunissons pour avoir les derniers bulletins météo : les prévisions pour les prochains jours concernant la force du vent, sa direction et la hauteur des vagues, notamment celles des plages en Libye, nous intéressent particulièrement.

Nous suivons les bulletins météo de différentes agences afin d’obtenir une idée précise de ce qui nous attend les jours suivants. Les prévisions concernant la houle au niveau de la côte libyenne nous indiquent si des bateaux sont susceptibles de prendre la mer et dans ce cas nous devons nous tenir prêts à effectuer une opération de sauvetage.

La journée d’entraînement se poursuit avec son lot d’exercices pour SOS MEDITERRANEE et Médecins Sans Frontières (MSF) notre partenaire médical. L’une des réunions les plus importantes porte sur la formation initiale à la sécurité. Il existe plusieurs mesures de sécurité à bord de l’Aquarius mais la priorité absolue, mis à part le sauvetage des naufragés, concerne la protection et la sécurité de tous les membres d’équipage et des équipes à bord. Chacun doit connaître les tâches à accomplir et la conduite à suivre en cas d’urgence. Tous doivent avoir intégré ces procédures et être prêts le moment voulu, c’est une obligation.

« Le signal d’abandon du navire est constitué d’un son bref et d’un son prolongé émis par une corne de brume », explique Alexander, le commandant, un homme très expérimenté qui est depuis longtemps sur l’Aquarius. « Lorsque vous entendez ce signal, cela signifie qu’un incident s’est produit et que vous devez quitter le navire. Vous devez alors vous rendre au point de rassemblement et suivre les instructions. Nous procéderons à un exercice de simulation après la réunion. »

Quelques minutes plus tard, l’alarme retentit et tous les membres d’équipage et des différentes équipes se précipitent vers le point de rassemblement indiqué. Le commandant en second s’assure que tout le monde est là et porte un gilet de sauvetage. « Veuillez vérifier la lampe de vos gilets » demande Alexander. « Elle s’allumera automatiquement au contact de l’eau ».

Nous devons également revêtir une combinaison de survie, semblable à la combinaison de plongée qui protège contre le froid dans l’eau. Pas facile d’entrer dans cette combinaison en Néoprène mais en cas d’urgence nous n’avons que trois minutes pour l’enfiler et pouvoir ainsi quitter le navire.

MSF, notre partenaire est un expert en matière de coordination médicale de différentes catégories de personnel. Mike, l’infirmier actuellement à bord explique en quoi consiste le plan qui sera déclenché en cas d’arrivée de nombreux blessés. « Lorsque plusieurs personnes requièrent des soins médicaux, nous déclenchons ce plan et chacun d’entre vous sera mis à contribution. » Vous allez tous apprendre au cours des deux heures qui suivent qui doit faire quoi et les gestes à effectuer pour aider l’équipe MSF à bord de l’Aquarius. Bien que vous connaissiez tous les premiers soins à donner, nous allons vous entraîner aux techniques RCP de réanimation cardio-respiratoire ainsi qu’au bouche à bouche.

Chacun d’entre nous s’entraîne sur un mannequin et procède à deux insufflations, suivies de 30 compressions thoraciques et ainsi de suite. « Vous allez être surpris de la rapidité avec laquelle cela doit s’effectuer : la fréquence des compressions thoraciques est en effet de 120 par minute. Pour vous donner une idée, cela correspond au rythme de la chanson « Staying alive » ajoute le Dr Sarah de MSF.

Nous faisons une courte pause après cet exercice, car il faut encore déjeuner et effectuer d’autres exercices. L’Aquarius s’arrête pour que l’équipe SAR de SOS MEDITERRANEE puisse s’entraîner à utiliser les canots de sauvetage, le RHIB (Rigid Hull Inflatable Boat) un et le RHIB deux. Ani, le coordinateur SAR adjoint est chargé de l’exercice sur l’eau, Yohan, coordinateur SAR se charge de la coordination à bord.

« Tout d’abord nous allons mettre nos deux RHIBs à l’eau. Max, Tonguy, Edouard et moi-même allons sur le RHIB un. Tony, Mary et Asma iront sur le RHIB deux. Voilà qui est clair pour ce qui concerne les équipes. Nous passerons ensuite à l’étape « un homme à la mer », et nous entraînerons à porter secours à la personne en question et à la ramener à bord sur un brancard. » précise Ani. C’est alors que nous commençons l’exercice.

Pendant deux heures, toute l’équipe SAR qui comprend actuellement 12 personnes répète inlassablement les mêmes procédures. On passe ensuite à la manipulation des dispositifs flottants, à l’utilisation des RHIBs et à l’approche d’un canot en détresse. Les journalistes à bord ont également l’opportunité d’assister à ces exercices et de se familiariser avec l’utilisation des RHIBs.

Puis l’entraînement prend fin, les canots de sauvetage sont rehissés sur l’Aquarius, et tout le matériel utilisé est nettoyé et préparé pour une opération de sauvetage réelle, qui pourrait bien s’effectuer dans les heures qui suivent.

La soirée de notre première journée en mer est moins stressante : nous nous réunissons sur l’entrepont pour partager un bon dîner. Nous profitons de ces deux heures pour faire plus ample connaissance car il y a des nouveaux à bord. Chacun est conscient qu’une opération de sauvetage peut se présenter dès le matin suivant. Mais désormais nous sommes tous familiarisés avec les procédures à appliquer et nous sommes prêts à sauver des vies en Méditerranée, face aux côtes libyennes.

Par René Schulthoff

Crédits photo : Fabian Mondl