Marina, 39 ans, est originaire du Japon. Elle agit comme sage-femme à bord de notre navire depuis maintenant huit ans. Elle raconte les difficultés auxquelles les jeunes filles et les enfants font face, mais surtout le sentiment de joie et cette énergie qui les anime une fois qu’ils ont récupéré leurs forces.
Je m’appelle Marina, j’ai 39 ans. Je suis sage-femme. Ça fait huit ans que je travaille sur le navire. Je pense que c’est le seul endroit au monde où l’on voit autant de nationalités vivre ensemble, partager des moments. Cette ambiance, cette énergie, on ne pourra jamais les ressentir de retour chez soi. Dans mon pays, je travaille comme sage-femme mais aussi comme infirmière en hôpital et en clinique. J’ai aussi travaillé dans un centre d’assistance téléphonique, où j’étais en contact avec beaucoup de femmes victimes de violences domestiques, de violences sexuelles, comme ici à bord.
Lors de l’un des derniers sauvetages auquels j’ai participé [au printemps 2024], nous avions 22 femmes, un enfant et un chiot. Le sauvetage s’est bien passé. Il y avait une jeune fille avec un enfant, elle n’avait que 17 ans et elle était seule avec son bébé d’un an. Je lui ai donné des vêtements chauds parce qu’il faisait très froid. J’ai donné à la petite un mini-scooter, un jouet qu’elle a bien aimé ! Elle jouait aussi beaucoup avec le chiot dans l’abri des femmes, c’était beau à voir ! Pour son âge, elle ne parle pas beaucoup. Elle n’est jamais allée dans une crèche et n’a pas eu de contacts avec d’autres enfants de son âge. C’est très fréquent chez les enfants à bord, surtout lorsqu’ils viennent d’un centre de détention en Libye. Ils parlent peu, car on leur a souvent dit de se taire, ils n’ont pas eu l’occasion de développer leur vocabulaire et d’échanger avec les autres. J’espère qu’une fois à terre, la mère comme l’enfant recevront les sois nécessaires.
J’apprécie ce moment où les personnes chantent et dansent, où elles retrouvent leur dignité au bout d’un ou deux jours passés à bord, lorsqu’elles sont appelées par leur prénom, et non plus par un numéro comme dans les centres de détention.
Elles peuvent être elles-mêmes, exprimer leur joie en musique et dans leur propre langue. Je ne sais pas d’où vient toute cette énergie. Si j’avais vécu la même expérience, je crois que je serais morte. Je suis toujours très émue quand je vois ça.
Crédit Photo : Anthony Jean / SOS MEDITERRANEE