« Il est inacceptable de n’avoir pas pu compter, cette fois encore, sur un centre de coordination de sauvetage efficace »
20 décembre 2019

Nicola Stalla, coordinateur des sauvetages à bord de l’Ocean Viking, commente le sauvetage de ce vendredi 20 décembre, au cours duquel 112 personnes ont été mises en sécurité à bord de l’Ocean Viking dans le cadre d’une opération qui s’est avérée difficile.

« Au petit matin, d’abord dans l’obscurité la plus totale, une opération de sauvetage difficile a été menée par l’Ocean Viking à environ 35 milles nautiques des côtes libyennes. Après avoir reçu une alerte à l’effet qu’une embarcation se trouvait en détresse dans le secteur, notre navire s’est dirigé à toute vitesse dans sa direction pour s’enquérir de la situation. Environ une heure et demie plus tard, nous avons finalement repéré un bateau pneumatique blanc. Il était vraiment surchargé et l’avant était complètement dégonflé.

L’Ocean Viking a immédiatement essayé de contacter le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (JRCC) libyen afin de les informer de l’urgence de la situation et d’obtenir des instructions. Bien qu’il ait également reçu ce même message de détresse, le JRCC n’a cependant pas partagé l’information avec tous les navires dans la zone, comme le prévoient les conventions maritimes. En outre, sur les huit appels que nous avons adressés au JRCC libyen, sept sont restés sans réponse. Un seul de nos appels a reçu une réponse, mais aucune personne ne parlant anglais n’a été en mesure de coordonner cette opération de sauvetage, pourtant urgente.  

Conformément au droit maritime international, l’Ocean Viking a alors informé le JRCC libyen par courrier électronique que ses équipes allaient procéder au sauvetage, en mettant en copie les MRCC maltais et italien ainsi que EUNAVFORMED.

L’opération s’est avérée particulièrement difficile pour l’équipe de marins-sauveteurs de SOS MEDITERRANEE. Manœuvrant dans l’obscurité totale, nous avons dû agir rapidement et anticiper un scénario où le bateau pneumatique, surchargé et partiellement dégonflé, risquait de se détériorer davantage. Nous avons donc déployé deux rafts et utilisé l’un d’entre eux pour y transférer une partie des occupants du bateau en détresse afin de le délester. Dans le cas où la situation serait devenue critique, nous avions aussi positionné un second raft.

Les équipes de sauvetage pouvaient entendre les pleurs des bébés. La plupart des naufragés étaient très agités. Heureusement, les sauveteurs ont réussi à les calmer et personne n’est tombé à l’eau. Enfin, toutes les personnes en détresse ont été ramenées en toute sécurité à bord de l’Ocean Viking.

Notre navire compte donc désormais 112 rescapés à son bord. Parmi eux, on compte 24 femmes dont trois enceintes et sept bébés. Le plus jeune n’a que trois mois. Pas moins de 27% des personnes secourues sont des mineurs non accompagnés. D’après les premiers témoignages que nous avons pu recueillir, le bateau avait quitté Zawiyah, en Libye, en fin de soirée hier.

Les conditions météorologiques, qui étaient assez calmes ce matin, se sont ensuite rapidement détériorées. Si nous n’avions pas été présents dans le secteur et que nous n’avions pas réussi à localiser le bateau en détresse, tous ces hommes, ces femmes et ces enfants étaient voués à un naufrage certain en raison de cette météo épouvantable.

Nous le répétons : il est inacceptable de n’avoir pas pu compter, cette fois encore, sur un centre de coordination de sauvetage efficace pour nous guider durant cette opération de secours délicate. Le manque de coordination dans la région de recherche et de sauvetage libyenne, dans les eaux internationales, dure depuis un an et demi maintenant, soit depuis que la responsabilité a été confiée aux autorités maritimes libyennes. Une solution pour restaurer la coordination adéquate des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale doit être trouvée sans tarder, incluant un mécanisme stable et systématique de débarquement des rescapés.

A 14 heures cet après-midi, nous avons demandé un lieu sûr pour débarquer les naufragés au JRCC libyen, avec copie aux MRCC maltais et italiens. Notre État du pavillon en a également été informé. Comme le prescrit le droit maritime, toutes les personnes secourues doivent être débarquées en lieu sûr dès que possible. »