Empruntant les codes du grand film d’aventure, le réalisateur italien Matteo Garrone raconte le périple d’un adolescent malgré lui à la barre d’une embarcation de fortune alors qu’il « ne sait même pas nager ». Le départ de la maison, les trafiquants, la traversée du désert, les « prisons » libyennes, la fuite par la Méditerranée… Cette histoire est celle de Fofana Amara. Et elle résonne avec justesse avec les récits de vie des personnes secourues par notre navire. Entrevue croisée d’un réalisateur engagé et de celui qui a inspiré « Moi, capitaine », un « voyage initiatique d’un garçon qui deviendra un homme. »
18 décembre : avant-premières partout en France en partenariat avec SOS MEDITERRANEE
« Moi capitaine » sera diffusé le 18 décembre dans de nombreuses villes où nos antennes de bénévoles vous attendent pour une projection-débat de ce « road movie » comme le décrit Matteo Garrone. Pour chaque entrée à l’avant-première, un euro sera reversé à quatre associations : SOS MEDITERRANEE, France terre d’asile, la Ligue des droits de l’Homme et Amnesty International.
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« Revoir ces images [des épreuves] que j’ai déjà traversées, des images de torture, avec l’émotion qu’on ressent au cinéma, (…) ce n’est pas vraiment facile. »
Fofana Amara
« La première fois que j’ai regardé le film, je suis resté plus de cinq minutes sans arriver à parler. Revoir ces images [des épreuves] que j’ai déjà traversées, des images de torture, avec l’émotion qu’on ressent au cinéma, (…) ce n’est pas vraiment facile. » Mais le jeune homme qui s’est construit une vie en Belgique se réjouit de constater à quel point le film touche le public européen et africain, et espère qu’il contribuera à « faire comprendre à quel point c’est difficile ».
Car si pour lui cette page est bien tournée, il constate que la Méditerranée continue de faire des victimes, avec plus de 28 000 personnes qui ont sombré en Méditerranée depuis 2014, année de sa traversée : « je suis toujours triste parce que dix ans après mon voyage, je vois que rien n’a changé. C’est toujours la même chose, c’est même pire ».
Le réalisateur continue de se désoler du nombre de personnes qui meurent chaque année pour tenter d’atteindre son pays. Mais il ne peut que soutenir le combat des ONG de sauvetage : « Je pense que quiconque essaie de sauver des vies humaines est toujours du côté des justes et a donc mon soutien, mon estime et mon admiration. »
Une « aventure à la Jack London »
Matteo Garrone souhaitait donc éveiller les consciences et « donner une voix à ceux qui n’en ont généralement pas, c’est-à-dire faire le film de leur point de vue, donner au spectateur la possibilité d’expérimenter subjectivement le voyage émotionnel qu’ils vivent. »
« Cette histoire de Fofana est restée dans ma tête pendant de nombreuses années et je me souviens que lorsque je l’ai entendue pour la première fois, j’ai pensé à ces grands romans d’aventure de Stevenson, de Conrad, de Jack London. Il y a un garçon qui, à l’âge de 15 ans, est responsable d’emmener 250 personnes en sécurité dans un bateau sans jamais avoir piloté une embarcation de sa vie ». Pour lui, ces jeunes sont « les seuls vrais porteurs de l’épopée contemporaine ».
Pour être le plus juste et le plus respectueux de leur trajectoire, il a rencontré de nombreux jeunes migrants, et « ces héros contemporains m’ont également accompagné pendant le tournage. J’ai eu la chance et le privilège de travailler avec des acteurs et des figurants qui avaient réellement vécu cette expérience. Ils ont donc reconstruit, nous avons reconstruit ensemble. »
« J’avais vraiment peur. Mais je ne voulais pas le montrer parce que tout le monde comptait sur moi. »
Fofana, lui, se remémore le moment de la traversée avec émotion. Il était terrifié mais ne pouvait plus reculer. « On s’est retrouvés à 250 personnes, dont à peu près 15 enfants et 25 femmes, et une femme enceinte. (…) C’était dur. Mais on savait qu’il n’y avait plus d’autre solution. Maintenant, il fallait y aller : soit on arrive vivant, soit on est tous morts. J’avais vraiment peur. Mais je ne voulais pas le montrer parce que tout le monde comptait sur moi. Et les enfants me demandaient si on allait y arriver. ‘’Oui, on va y arriver. On va bien arriver. On va tous arriver.’’ Ah la vache! Comment est-ce que je vais faire? » se demandait-il, la peur au ventre, responsable, à 15 ans, de la vie de 250 personnes.
La scène préférée de Fofana ? « C’est la fin que j’aime bien, le moment que je dis ‘’moi, le capitaine ! Je suis le capitaine !’’ ».
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Crédit photo en haut de page : Greta Lazzaris
Crédit vidéo : 237 films