Après quatre jours de mer agitée, nous savions que les départs de la Libye reprendraient aussitôt la mer revenue au calme. Nous avons repoussé de quelques heures notre retour en Sicile pour la fin de notre 8ème rotation, en prévision d’alertes. En matinée, le navire Sea Watch 2 et le Bourbon-Argos de MSF ont effectué des sauvetages mais le premier, par manque d’espace, ne peut transférer les rescapés dans un port, et le second préfère rester sur zone. Le Centre de Coordination des Secours Maritimes de Rome qui nous sait prêts à rentrer à Trapani fait donc appel à l’Aquarius pour prendre à son bord les 169 rescapés pour les emmener à bon port.
La collaboration entre les quelques navires de sauvetage présents en Méditerranée Centrale est de plus en plus fréquente, et permet de mieux coordonner les efforts en fonction des moyens et des contraintes de chacun. Certains navires n’ont pas la capacité d’accueillir les rescapés à bord pour plus de quelques heures, et leur mode opératoire est de distribuer les gilets de sauvetage, de soigner à leur bord les malades ou blessés, en attendant l’arrivée d’un grand navire tel que l’Aquarius.
Hier, une bonne partie des 169 rescapés ont été transférés à deux reprises. 28 d’entre eux, marocains, égyptiens, bangladais et nigériens, étaient partis à minuit sur un petit canot de pêcheurs en bois. Ils ont été recueillis en début de matinée sur le navire de Sea Watch 2, qui a encore effectué un peu plus tard le sauvetage d’un canot gonflable avec à son bord 74 personnes. Les 102 personnes ont été transférées sur le Bourbon Argos qui avait lui-même secouru 67 personnes d’un canot gonflable. Puis c’était au tour de l’Aquarius de « rentrer dans la danse » pour accueillir les 144 hommes, 22 femmes et trois enfants âgés de 2 ans, 8 mois et 4 mois qui sont à présent en route pour la Sicile. Ils sont de quinze nationalités africaines différentes, avec une majorité de soudanais et de nigérians.
Malgré la difficulté, surtout pour les quatre femmes enceintes, de grimper par trois fois les échelles de transbordement, ce qui compte pour ces personnes est d’être à présent saines et sauves.
par Nagham Awada
Crédits photo : Isabelle Serro