27 707 personnes secourues par les équipes de SOS MEDITERRANEE, ce sont 27 707 histoires de vie. « Certaines personnes ont du mal à voir l’humain dans cette crise et pour moi c’est ça l’horreur. C’est une situation bien réelle avec de vraies expériences humaines, pas juste des numéros » rappelle Max, marin sauveteur à bord de l’Aquarius.
En proposant un cycle itinérant de films suivis de débats intitulé “Visages et Parcours de la Migration”, SOS MEDITERRANEE, avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre, invite le public français à porter un autre regard, humain et solidaire, sur la question migratoire en montrant comment des individus, hommes, femmes et enfants, survivent dans une immense détresse en espérant un avenir meilleur.
Mettre des visages sur le terme générique « migrants », écouter leurs témoignages, découvrir leur quotidien afin de renverser une sémantique déshumanisée et profondément installée qui plonge ces individus dans une masse informe, impalpable, autorisant les généralités les plus infondées.
“Visages et Parcours de la Migration” : 4 films pour 4 moments de la migration
Les quatre films présentés apportent un puissant témoignage sur différentes étapes de la migration. Ainsi vous pourrez découvrir le magnifique Un paese di Calabria (ce village de Riace en Calabre où le maire décida de céder des logements vides à ceux qui avaient besoin d’un toit, quelle que soit leur origine) ou encore Les migrants ne savent pas nager , qui témoigne de l’extrême danger de la traversée de la Méditerranée, des multiples sévices subis sur la route, particulièrement en Libye, et de l’humanité retrouvée à bord de l’Aquarius. Le documentaire J’ai marché jusqu’à vous – Récits d’une jeunesse exilée, révèle quant à lui l’accueil réservé aux « Mineurs Isolés Etrangers » soumis à la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance. Enfin, le film Les Éclats dénonce les conditions de vie des migrants bloqués à Calais dans l’attente et l’espoir d’un passage vers le Royaume-Uni.
A travers ce cycle, c’est aussi la diversité d’initiatives citoyennes qui est mise en lumière. On y voit des bénévoles et des travailleurs sociaux tenter de réinventer l’action humanitaire face à l’urgence de la situation.
« Les yeux d’une Europe qui ne veut pas voir »
SOS MEDITERRANEE participe à cette « réhumanisation » des personnes migrantes et réfugiées afin d’éveiller les consciences sur une réalité inacceptable… Les équipes à bord ont pour seconde mission, une fois le sauvetage effectué, de prendre soin des rescapés qui n’ont souvent plus entendu une parole bienveillante depuis des mois voire des années. Des conversations alors se tissent et les récits se font entendre pour que leur voix, jusque-là étouffée, puisse être entendue grâce aux témoignages recueillis par nos équipes et par les journalistes embarqués. Des témoignages qui sont ensuite lus par les bénévoles lors d’événements de sensibilisation organisés partout en France, comme la lecture « Il y a des montagnes dans la mer» donnée à Marseille le 28 mars dernier.
Comme un écho à ce poème de Laurent Gaudé, membre du comité de soutien de SOS MEDITERRANEE, l’association et ses 250 bénévoles poursuivent cette mission. Etre « les yeux d’une Europe qui ne veut pas voir », les témoins d’un drame que l’on aimerait oublier, ici, aux portes de l’Europe, en Méditerranée.
Regardez-les
Regardez-les, ces hommes et ces femmes qui marchent dans la nuit.
Ils avancent en colonne, sur une route qui leur esquinte la vie.
Ils ont le dos voûté par la peur d’être pris
Et dans leur tête,
Toujours,
Le brouhaha des pays incendiés.
Ils n’ont pas mis encore assez de distance entre eux et la terreur.
Ils entendent encore les coups frappés à leur porte,
Se souviennent des sursauts dans la nuit.
Regardez-les.
Colonne fragile d’hommes et de femmes
Qui avance aux aguets,
Ils savent que tout est danger.
Les minutes passent mais les routes sont longues.
Les heures sont des jours et les jours des semaines.
Les rapaces les épient, nombreux,
Et leur tombent dessus,
Aux carrefours.
Ils les dépouillent de leurs nippes,
Leur soutirent leurs derniers billets.
Ils leur disent : « Encore »,
Et ils donnent encore.
Ils leur disent : « Plus ! »,
Et ils lèvent les yeux ne sachant plus que donner.
Misère et guenilles,
Enfants accrochés au bras qui refusent de parler,
Vieux parents ralentissant l’allure,
Qui laissent traîner derrière eux les mots d’une langue qu’ils seront contraints d’oublier.
Ils avancent,
Malgré tout,
Persévèrent
Parce qu’ils sont têtus.
Et un jour enfin,
Dans une gare,
Sur une grève,
Au bord d’une de nos routes,
Ils apparaissent.
Honte à ceux qui ne voient que guenilles.
Regardez bien.
Ils portent la lumière
De ceux qui luttent pour leur vie.
Et les dieux (s’il en existe encore)
Les habitent.
Alors dans la nuit,
D’un coup, il apparaît que nous avons de la chance si c’est vers nous qu’ils avancent.
La colonne s’approche,
Et ce qu’elle désigne en silence,
C’est l’endroit où la vie vaut d’être vécue.
Il y a des mots que nous apprendrons de leur bouche,
Des joies que nous trouverons dans leurs yeux.
Regardez-les,
Ils ne nous prennent rien.
Lorsqu’ils ouvrent les mains,
Ce n’est pas pour supplier,
C’est pour nous offrir
Le rêve d’Europe
Que nous avons oublié.
Laurent Gaudé
VISAGES ET PARCOURS DE LA MIGRATION
Un cycle de films, témoignages et débats organisé par SOS MEDITERRANEE avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre :
- les 14 et 15 avril au Forum des images à Paris – plus d’infos ici
- les 28 et 29 avril au cinéma Bonne Garde à Nantes – plus d’infos ici
Photo : Marco Panzetti / SOS MEDITERRANEE